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Manuels et synthèses

Auteur: Joseph-Claude POULIN (2015)

Cet exposé présente une catégorie d’ouvrages qui offrent des exposés synthétiques sur des thèmes généralement assez vastes dans l’espace et dans le temps. C’est pourquoi ils constituent des instruments essentiels pour introduire à la connaissance de base d’un pan de l’histoire et pour fournir une amorce de bibliographie; ils sont souvent l’œuvre d’un groupe de spécialistes, travaillant sous la direction d’un chef d’équipe (ou éditeur scientifique) dont le nom reste attaché à la publication issue de leur collaboration.

On définit comme synthèse un ouvrage général qui fait le point sur l’état des connaissances plutôt que d’être le fruit de recherches originales; ces ouvrages sont de plus en plus souvent disponibles dans des bibliothèques numériques comme ebrary. Quand les synthèses prennent la forme d’ouvrages didactiques conçus pour accompagner et soutenir directement l’enseignement universitaire, on les appelle « manuels » (ou Précis; angl. Textbooks), diffusés sous forme imprimée seulement. La publication de ces synthèses ou manuels s’étale souvent en un grand nombre de volumes; ils constituent alors des collections ou séries, plus ou moins spécialisées selon la période, l’aire géographique ou la thématique. Devant leur grand nombre, leur diversité et leur renouvellement constant, la nécessité s’impose d’une présentation méthodique et d’un entraînement à leur maniement.

Il faut du moins retenir qu’il existe trois sortes principales de collections susceptibles de faire partie de l’instrumentation usuelle des historiens :

  • les collections historiques généralistes qui couvrent (de façon continue ou discontinue) l’histoire de plusieurs périodes ou continents sous des aspects variés; par exemple, la collection « L’évolution de l’humanité ».
  • les collections historiques spécialisées pour une période, un domaine géographique ou thématique – ainsi les nombreuses histoires nationales.
  • les collections non exclusivement historiques, mais qui contiennent un nombre significatif de publications à caractère historique rédigées par des historiens professionnels; par exemple, les collections « Que sais-je ? » (Paris, PUF, depuis 1941) ou « A Very Short Introduction » (Oxford, OUP, depuis 2000), contiennent plusieurs dizaines d’ouvrages à caractère historique parmi leurs milliers de titres.

De toutes façons, ces collections sont le fruit d’un travail collectif et adoptent une présentation homogène (matérielle, et parfois intellectuelle) qui aide à reconnaître leur apparentement et facilite leur maniement. C’est ainsi

  • qu’un « Que sais-je ? » compte toujours 126 pages – ni plus, ni moins – et
  • qu’un volume de la collection « Nouvelle Clio » possède toujours la même structure tripartite : longue bibliographie raisonnée + état des connaissances + débats en cours.

Les volumes d’une série sont habituellement numérotés à la suite ou suivant un plan préétabli; cette numérotation fait partie de leur description signalétique de base. Mais comme rien n’est simple, les numéros en question peuvent changer au gré des rééditions ou disparaître avec le temps.

Pour en savoir plus

Par exemple :

  • Collection « Évolution de l’humanité » : les numéros primitifs furent modifiés lors des rééditions, pour être finalement complètement abandonnés.
  • Collection « Nouvelle Clio » : la dernière vague de parutions a perdu toute numérotation, en plus de changer de format !
  • Collection « Que sais-je ? » : après avoir atteint plusieurs milliers de numéros (à partir de 1941), la collection a maintenant abandonné toute numérotation.
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Il arrive fréquemment qu’un bon manuel connaisse plusieurs rééditions successives, révisées ou non; il faut naturellement chercher à voir l’édition la plus récente, ne serait-ce que pour profiter d’une bibliographie remise à jour, le cas échéant. Mais attention aux pièges d’éditeurs : une réimpression peut dissimuler la date de première parution ou présenter (sans prévenir) une forme appauvrie par rapport à l’édition originelle.

Pour en savoir plus

Ainsi par exemple : Robert Fossier a dirigé la publication d’un bon manuel d’histoire générale du Moyen Âge en 1982 (Paris, A. Colin, 3 vol.); une première réimpression légèrement appauvrie a paru en 1986 chez le même éditeur. Puis elle fut fortement amputée dans une réimpression parue en 2005 (Bruxelles, Éditions Complexe, 5 vol. de petit format); cette dernière est donc doublement trompeuse, tant par sa date apparente que par sa valeur de relais du manuel d’origine.

Ou encore

  • Une Histoire du monde richement illustrée (Paris, Larousse, 1993-1996, 10 vol.), réimprimée avec un texte mis à jour, mais dépouillé de ses illustrations (Paris, Larousse, 2008-2012, 10 vol.).
  • Jules MICHELET, Histoire romaine, Paris, Chamerot et Lauwereyns, 4e éd. 1866, 2 vol., réimprimée à Paris, Les Belles Lettres, 2003, XXXIV-636 p.
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Les ouvrages généraux reposent sur plus d’un siècle d’expérience accumulée et connaissent des transformations incessantes, soit par mise à jour des collections existantes, soit par création de séries nouvelles.

Les besoins de l’enseignement supérieur constituent un stimulant à la multiplication et au renouvellement des manuels et synthèses, généralement dans le cadre de collections conçues à cette fin. Par exemple « Carré histoire », « Cursus », « Grand Amphi », « Premier cycle », « 128 », « Ellipses », « Collection ‘U’ », etc.

Certaines collections se renouvellent en se remplaçant elles-mêmes; ainsi :

  • « Clio. Introduction aux études historiques » (1934-1951, 13 tomes en 24 vol.), devenue « Nouvelle Clio. L’histoire et ses problèmes », à partir de 1963.
  • « Histoire de l’Église depuis les origines jusqu’à nos jours » (Augustin FLICHE et Victor MARTIN dir., 1937-1964, 21 vol.), relancée sous le nom d’« Histoire du christianisme des origines à nos jours » (Jean-Marie MAYEUR et alii dir., 1990-2001, 14 vol.).
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Le même phénomène s’observe parfois à l’échelle de l’histoire d’une période particulière :

  • la « Cambridge Ancient History » (Frank E. Adcock et alii dir., 1923-1939, 17 vol.) fut entièrement réécrite sous la direction de John Boardman et alii (1982-2000, 14 vol. + 4 vol. de planches).
  • la « Cambridge Medieval History » (John B. Bury dir., 1936-1967, 8 vol.) fut remplacée par la « New Cambridge Medieval History » (Paul Fouracre dir., 1995-2005, 7 vol.).
  • la « Cambridge Modern History » (Lord Acton dir., 1902-1911, 14 vol.) fut remplacée par la « New Cambridge Modern History » (G. N. Clark et alii dir., 1957-1970, 14 vol.).
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D’autres encore assurent la survie de leur pertinence en se renouvelant de l’intérieur : le nom de la collection demeure inchangé, mais les volumes vieillissants sont remplacés par d’autres (sous le même numéro d’ordre ou non dans la série), confiés à des auteurs plus récents; ainsi dans les collections « Évolution de l’humanité », « Nouvelle Clio » (à partir des années 1990), « Peuples et civilisations », « U », « Que sais-je ? ».

Pour en savoir plus

Exemples de substitution dans la collection « Que sais-je ? » aux Presses universitaires de France :

  • le numéro 471 est intitulé Charlemagne; il a paru une première fois en 1951, sous la signature de Joseph Calmette; remplacé depuis 1984 par la plume de Renée Mussot-Goulard (même titre, 3e éd. 1998).
  • en 1953, Pierre Riché a fait paraître Les invasions barbares sous le numéro 566; il est maintenant remplacé par le numéro 3877 de Magali Coumert et Bruno Dumézil, Les royaumes barbares en Occident (2010) (http://www.cairn.info ).
  • le numéro 1455 portait sur Le Bas-Empire (par Jean-Rémy Palanque) en 1971; il est maintenant remplacé par L’Antiquité tardive (1997) de Bertrand Lançon (http://www.cairn.info ).
  • le numéro 1238 rédigé par Gabriel Fournier, Les Mérovingiens (1ère éd. 1966) est remplacé par Régine Le Jan (même titre, 2e éd. 2011, sans numéro désormais; http://www.cairn.info )
  • Jean-Pierre Alem a publié en 1959 le Que sais-Je ? no 819 sous le titre Le Moyen Orient; il fut réimprimé en 1964 sous le titre Le Proche-Orient arabe (5e édition en 1982).
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Les collections d’histoire générale connaissent un renouvellement plus lent; certaines continuent néanmoins d’être utiles, du moins dans leurs volumes rénovés ou plus récents. En voici une liste indicative permettant de les reconnaître et de les situer dans l’historiographie générale.

Pour en savoir plus
Directeurs Titres Dates et composition
BERR, Henri L’évolution de l’humanité depuis 1920, plus de 100 vol. parus
BLOCH, Raymond Les grandes civilisations 1960-1982, 18 vol.
CARATINI, Roger et Françoise Histoire universelle (Encyclopédie de la Pléiade) 1969-1976, 3 vol.
CROUZET, Maurice Histoire générale des civilisations 1953-1961, 7 vol.
FEBVRE, Lucien et Fernand BRAUDEL Destins du monde 1957-1967, 12 vol.
GLOTZ, Gustave Histoire générale 1925-1947, 10 vol.
HALPHEN, Louis et Philippe SAGNAC Peuples et civilisations 1926-1972, 22 vol.
LAVISSE, Ernest et Alfred RAMBAUD Histoire générale du IVe siècle à nos jours 1893-1901, 12 vol.
MEULEAU, Maurice Le monde et son histoire 1965-1971, 10 vol.
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Dans les catalogues des bibliothèques, la cote des grandes collections historiques est à chercher sous le nom de leur directeur scientifique général, et non pas sous le nom d’un contributeur particulier. Mais s’il faut citer un passage tiré d’un chapitre en particulier, c’est le nom de celui qui a tenu la plume qu’il faut invoquer dans le renvoi bibliographique. Le partage des tâches entre les différents auteurs indiqué dans la préface ou la table des matières permet de rendre à chacun son dû.